Volume 5 Numéro 12 - 9 novembre 2006

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SOMMAIRE

Enjeux-ÉNERGIE
> La domination du silicium mise à l’épreuve
> Focus : Le BAPE questionne le modèle actuel de développement de l’éolien au Québec
> É-U : un premier projet commercial d’énergie des vagues bientôt en fonction
> Ontario : l’intégration de l’éolien plus complexe que prévue
> La nanotechnologie pour un réseau électrique plus fiable

Enjeux-CLIMAT
> Mauvaises nouvelles pour l’industrie éolienne ?
> Conférence de Nairobi : une rencontre de transition ?
> Donnés 2006 de la CCNUCC : émissions en hausse…encore
> Ottawa annonce un marché national du carbone


À PROPOS du bulletin

Le bulletin Enjeux-ÉNERGIE est publié par le Centre Hélios, une société indépendante de recherches et d'expertise-conseil en énergie.

Les travaux du Centre sont axés sur l'analyse et la conception de stratégies, de politiques, d'approches réglementaires et de mesures économiques favorisant le développement durable et équilibré du secteur énergétique.

Les clients du Centre incluent les gouvernements, les organismes d'intérêt public et les producteurs et distributeurs d'énergie, parmi d'autres. Le Centre Hélios est un organisme à statut charitable reconnu par Revenu Canada et Revenu Québec. Tout don versé au Centre est déductible pour fins d'impôts.

- Parution toutes les trois semaines -

Coordonnateur :
Alexis BEAUCHAMP

Équipe de rédaction :
Alexis BEAUCHAMP, Sophie GEFFROY, et Philip RAPHALS

Production :
Sophie GEFFROY


REMERCIEMENTS

Nous tenons à remercier les partenaires suivants pour leur appui à cette publication :


 


 


Nous remercions également nos abonnés corporatifs :

> Environnement Canada
> Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L.
> Mouvement Desjardins

Énergie solaire
La domination du silicium mise à l’épreuve

La filière solaire connaît depuis quelques années une expansion vertigineuse, particulièrement grâce aux panneaux à base de silicium, qui représentent 90 % du marché mondial de l’énergie photovoltaïque. De nouvelles technologies devraient toutefois remettre en question cette domination au cours des prochaines années.

Depuis deux ans, la pénurie de silicium de très haute qualité et la pression à la hausse qu’implique cette faible disponibilité sur le prix du précieux matériau, a convaincu certaines entreprises de délaisser complètement cette matière. Alors que les panneaux concentrateurs PV n’utilisent qu’une très faible quantité de silicium (EÉ vol. 5 no 11), des entreprises comme Nanosolar et Shell choisissent plutôt de miser sur des « pellicules » PV à base d’un alliage de cuivre, d’indium, de gallium et de selenide (connu sous son acronyme anglais CIGS). Aucun silicium n’est donc nécessaire.

Le procédé de fabrication du PV CIGS est différent des panneaux classiques, qui sont fabriqués dans de grands gaufriers : une encre qui comprend des nano particules PV est « imprimée » sur des feuilles d’aluminium, de plastique ou directement sur la vitre ou le ciment.

L’efficacité de cette technologie est évaluée à 16 %, tandis que les meilleurs panneaux à base de silicium actuellement sur le marché transforment un peu plus de 20 % de l’énergie solaire qu’ils reçoivent en électricité. Les promoteurs de la filière CIGS prévoient que le coût de génération sera de 2,50 $/W dans les premières années, ce qui est inférieur au coût actuel des panneaux classiques, qui varie entre 8 et 9 $ par watt. Malgré son efficacité moindre, la filière CIGS présenterait donc un meilleur coût de revient.

Le véritable test pour les feuilles CIGS aura toutefois lieu en 2007, lorsque la première usine commerciale entrera en fonction. Alors que le silicium a prouvé sa fiabilité dans différents environnements et sur plusieurs années, la performance sur le plan commercial des pellicules CIGS reste à prouver.

L’usine de 100 millions $ de Nanosolar, capable de produire 430 MW de panneaux chaque année, sera de loin la plus importante usine de panneaux PV dans le monde. La production mondiale totale en 2005 était de 1700 MW, dont une centaine aux États-Unis.

La pénurie de silicium et le manque d’infrastructures de production des panneaux PV classiques ouvrent actuellement la porte à d’autres technologies afin de répondre à la demande exponentielle d’énergie photovoltaïque, notamment en Californie, où la loi du million de toits solaires (SB-1) devrait se traduire par l’installation de 3000 MW de capacité d’ici 2017.

> Pour en savoir plus
[article]
[article]
[article]


Focus
Le BAPE questionne le modèle actuel de développement de l’éolien au Québec

Le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) juge que le projet de parc éolien proposé à Rivière-du-Loup ne peut être réalisé parce qu’il contrevient à la réglementation de la MRC, parce qu’« il présente un risque pour le paysage, la faune ailée, le climat sonore, l’agriculture et qu’il ne reçoit pas l’appui consensuel de la communauté qui habite le territoire ». SkyPower affirme pour sa part que son projet de 350 M$ correspond dorénavant aux exigences du BAPE puisque des modifications y ont été apportées depuis les audiences publiques menées par l’instance environnementale.

Le promoteur soutient que son parc comptera dorénavant 114 éoliennes, plutôt que les 134 prévues initialement. Les vingt éoliennes qui devaient être implantées entre l’autoroute 20 et le fleuve Saint-Laurent ont été éliminées : « nous évitons ainsi le corridor migratoire et nous diminuons l’impact visuel de notre projet », a affirmé le directeur du projet, Steeve Boulianne, au Journal de Québec.

C’est dorénavant le ministre du Développement durable Claude Béchard, qui devra trancher quant à l’évaluation environnementale de ce projet.

Indépendamment du sort réservé à ce projet précis, le rapport d’enquête du BAPE soulève quelques questions clés sur le développement de la filière éolienne au Québec.

Le rapport du BAPE s’interroge notamment sur la pertinence du modèle actuel d’implantation des parcs éoliens qui s’inspire de la prospection minière. Ainsi, « un promoteur se réserve un territoire a priori rentable sans consulter les municipalités, les MRC ou autres instances locales ou régionales. Ces dernières ne seront informées de la localisation précise du projet qu’au moment où il sera, dans les faits, largement prédéfini par les ententes intervenues entre les propriétaires terriens et le promoteur ». Les auteurs du rapport jugent nécessaire une intervention du gouvernement provincial afin de mieux encadrer cet enjeu, puisque les outils réglementaires dont disposent les MRC sont inadéquats pour rétablir cette situation autrement que de manière temporaire.

Enfin, les retombées économiques pour le milieu d’implantation du parc sont évaluées à 10,5 % des dépenses globales associées au projet, soit bien en deçà de l’objectif (non obligatoire) de 40 % compris dans l’entente entre Hydro-Québec et SkyPower. Environ 41 % (142,5 M$ sur 350 M$) des dépenses globales reliées au projet seraient faites au Québec. Le BAPE recommande la mise en place d’un comité réunissant divers acteurs de la MRC pour maximiser les retombées économiques locales.

Québec a annoncé son intention d’obtenir 4000 MW d’énergie éolienne d’ici le milieu de la prochaine décennie. André Caillé, ancien président d’Hydro-Québec, a récemment proposé l’abolition du BAPE, qui serait remplacé par des élus. Il n’est pas clair à quel point les députés seraient qualifiés pour cette tâche.

Parallèlement, l’industrie éolienne connaît actuellement une surchauffe, qui se reflète notamment par la pénurie des équipements disponibles et une inflation importante du prix des rares turbines sur le marché. L’entreprise GE Wind, le deuxième plus important turbinier au monde, a d’ailleurs annoncé qu’elle n’était pas certaine de soumissionner dans le cadre du prochain appel d’offres de 2000 MW d’Hydro-Québec.

Face à ces pressions divergentes, il sera intéressant d’observer la réaction du gouvernement du Québec, qui a fait du développement durable son porte-étendard…

> Pour en savoir plus
[rapport du BAPE]
[article]


Énergies renouvelables
É-U : un premier projet commercial d’énergie des vagues bientôt en fonction

Le projet d’exploitation de l’énergie des vagues de la baie Makah dans l’État de Washington a récemment franchi avec succès l’étape de l’évaluation environnementale préliminaire.

Cette étude d’impact environnemental, effectuée par un groupe expert reconnu par la Federal Energy Regulatory Commission (FERC), a conclu que le projet ne présentait aucun effet environnemental significatif sur les conditions océanographiques, géophysiques et biologiques de la baie Makah.

L’énergie cinétique des vagues sera convertie en électricité grâce à des systèmes appelés AquaBuOYs qui combinent des bouées et des pompes. Ces appareils flottants sont reliés à une plate-forme au fond de la mer et répondent à la montée et à la descente des vagues. Ce mouvement incessant sert à actionner des éléments mécaniques qui produisent de l’électricité.

Le projet de la baie Makah est constitué de quatre bouées de 250 kW chacune amarrées à 5 km de la côte, là ou l’énergie des vagues est plus forte, et à 50 à 75 mètres de profondeur.

Développée depuis 2001 par Finavera Renewables, une compagnie irlandaise, et le groupe américain AquaEnergy, cette centrale flottante devrait produire jusqu’à 1,5 GWh annuellement et entrer en service avant la fin de cette année.

Plusieurs autres projets d’énergie des vagues sont également en cours aux États-Unis. Le plus avancé est un projet en Oregon de la compagnie Ocean Power Technologies (OPT) qui a également obtenu le feu vert de la FERC. Devant initialement produire 2 MW, le projet pourrait éventuellement être étendu afin de produire jusqu’à 50 MW.

La ville de San Fransisco en Californie explore également la possibilité de réaliser un projet d’une puissance de 35 MW avec une centrale de turbines marines exploitant l’énergie des marées sous le pont Golden Gate. Une étude de faisabilité est actuellement en cours et devrait être rendue publique à la fin de 2007 ou au début de 2008.

> Pour en savoir plus
[communiqué]
[détails sur le projet, 6 p.]
[étude d’impact, 179 p.]


Énergie éolienne
Ontario : l’intégration de l’éolien plus complexe que prévue

Jusqu’à 5000 MW de capacité éolienne pourrait être intégrée au réseau électrique ontarien sans impacts majeurs sur celui-ci, mais des mesures devraient être mises en place pour minimiser les effets de l’électricité de cette source lors des périodes de charges faibles. L’important potentiel éolien de l’Ontario pourrait donc être exploité de manière efficace si le réseau dans lequel il s’inscrit est suffisamment flexible.

C’est ce qui ressort d’une étude menée par GE Energy pour le compte de l’Ontario Power Authority, de l’Independent Electricity System Operator (IESO) et l’Association canadienne d’énergie éolienne. La province, qui compte actuellement 310 MW de capacité éolienne, prévoit en ajouter 1000 MW additionnels d’ici 2010 et peut-être beaucoup plus afin de répondre à la demande d’électricité croissante en Ontario. Cette étude avait donc comme objectif de se pencher sur l’impact sur le réseau d’une pénétration accrue de l’éolien, les auteurs ayant retenus des scénarios allant de 5000 à 10 000 MW de capacité éolienne en 2020.

L’étude conclut notamment que la valeur de puissance ferme de l’énergie éolienne en Ontario serait de 20 % : autrement dit, une capacité éolienne de 10 000 MW équivaut à une capacité de 2000 MW d’une source « ferme ». HQP n’attribue par contre aucune valeur en puissance à ses achats d’énergie éolienne.

La variabilité de l’énergie éolienne est particulièrement problématique lors des périodes où la demande est faible. Or, le rapport affirme qu’une pénétration importante (10 000 MW et plus) d’énergie éolienne aurait comme impact d’étendre ce potentiel de déséquilibre aux heures de demande médianes : « avec un taux de pénétration élevé de l’éolien, ce ne serait plus seulement qu’un petit nombre d’heures à faible demande qui soit source d’inquiétude, mais possiblement jusqu’à la moitié des heures dans l’année ».

Les auteurs réitèrent donc la nécessité pour le réseau électrique ontarien de pouvoir compter sur des ressources de modulation rapide (ramping capability) à mesure que la pénétration de l’éolien augmente. Alors que l’Ontario a annoncé cette année des investissements de 40 milliards $ dans la filière nucléaire, il est clair que le nucléaire ne peut remplir cette fonction de modulation rapide. L’important parc hydraulique de l’Ontario pourrait remplir ce rôle, mais une pénétration éolienne très importante nécessiterait de nouveaux barrages ou des centrales au gaz naturel.

Une des recommandations visant à diminuer l’effet déstabilisateur que peut avoir l’éolien sur un réseau est de recourir à des mesures de contrôle dans les parcs éoliens, notamment des régulateurs de tension, « low voltage ride through » (la capacité de demeurer en service lors d’une baisse de tension sur le réseau), des ajusteurs de fréquence… L’étude souligne que certains de ces éléments ne sont actuellement pas nécessaires mais deviendront essentiels lorsque la pénétration de l’éolien sera plus importante.

Enfin, on pourrait croire qu’une meilleure coordination avec le réseau québécois pourrait permettre à l’Ontario de régler une partie de ces problèmes en lui permettant d’exporter son énergie éolienne excédentaire lors des périodes de faible demande. Le rapport souligne toutefois que plusieurs des réseaux connexes, notamment ceux du Québec et du Manitoba, veulent aussi développer de manière importante la filière éolienne, et pourraient donc eux aussi désirer exporter leur énergie éolienne en surplus.

Le rapport conclut donc qu’il est possible d’ajouter une capacité éolienne importante au réseau électrique de l’Ontario mais que des ajustements et précautions doivent être adoptés.

> Pour en savoir plus
[Rapport]


Énergie éolienne
De mauvaises nouvelles pour l’industrie éolienne ?

Un rapport de la firme ABS Energy Research affirme que les promesses de la filière éolienne ne sont pas au rendez-vous, notamment en Allemagne et au Danemark, deux pays à l’avant-garde de l’intégration de l’éolien dans leurs réseaux électriques.

ABS cite notamment une étude de l’allemande E.On, le plus grand opérateur d’énergie éolienne au monde, qui soutient que les 48 GW de capacité de production éolienne prévue dans ce pays à l’horizon 2020 ont une valeur de puissance de seulement 2 GW, ce qui est beaucoup plus faible que le 20 % estimé en Ontario (voir texte précédent).

La situation au Danemark n’est semble-t-il guère plus reluisante, puisque l’éolien, qui représente 20 % de la capacité nationale de production, a fourni 6 % de l’électricité consommée par les Danois. Puisque les sommets de production d’électricité éolienne ne correspondent pas avec les pics de demande, 84 % de l’électricité éolienne danoise a été exportée vers la Norvège en 2004, souligne le rapport d’ABS.

La variabilité de l’énergie éolienne peut également causer des maux de tête comme en Allemagne le 19 novembre 2003 : l’électricité de source éolienne a chuté de 3650 MW en six heures, soit une moyenne de 10 MW par minute.

Pour mieux faire face à cette intermittence, mais également afin d’éviter l’effet d’embouteillage sur le réseau électrique dû à une électricité provenant de parcs éoliens géants comme en Europe, le Département de l’Énergie américain favorise plutôt l’implantation de plus petites unités régionales qui seront plus faciles à gérer.

Enfin, ABS affirme qu’il existe de nouvelles données indiquant que la variabilité de l’éolien, qui oblige les autres centrales à modifier continuellement leur production, entraînerait des émissions proportionnellement plus importantes qu’une utilisation de ces centrales à un niveau stable. Les émissions seraient donc plus importantes par unité d’électricité produite.

Notons que seul un résumé du rapport a été fourni à Enjeux-ÉNERGIE et que ABS Research n’a pas identifié le commanditaire du rapport.

> Pour en savoir plus
[Rapport d’ABS]


Électricité
La nanotechnologie pour un réseau électrique plus fiable

La disposition de minuscules détecteurs pouvant émettre des données sans-fil pourrait permettre de prévenir une partie des pannes électriques majeures ou, à tout le moins, réduire leur durée. Ces transmetteurs de la taille d’une tête d’épingle pourraient analyser les champs magnétiques proches des différents équipements à travers le réseau électrique : ceux-ci émettent parfois un signal électromagnétique particulier mais difficilement détectable avant de briser.

Les chercheurs de l’Université de Buffalo qui se penchent actuellement sur le sujet croient par ailleurs que cette technologie permettrait aux compagnies d’électricité de rétablir le courant beaucoup plus rapidement et à moindres coûts lors de pannes de courant. Plutôt que d’envoyer une équipe sur le terrain afin de vérifier la nature d’un problème particulier, comme les services d’électricité doivent actuellement le faire, les détecteurs leur enverraient l’information permettant de savoir si l’envoi d’un camion de réparation est nécessaire.

Les chercheurs veulent tester un système prototype comprenant des détecteurs sans-fil de plus grande taille dans les deux prochaines années, avant de vérifier l’efficacité d’un système s’appuyant sur des nanotransmetteurs d’ici cinq ans.

> Pour en savoir plus
[Communiqué]
[article]





Conférence de Nairobi : une rencontre de transition ?

Un an après la Conférence de Montréal, perçue comme l’une des plus importantes Conférences des Parties de la CCNUCC, celle de Nairobi (6 au 17 novembre) devrait marquer un retour vers des négociations plus techniques et méthodologiques que politiques. Montréal a accueilli la première Réunion des Parties du protocole de Kyoto (PK), a vu les Accords de Marrakech adoptés par celle-ci ainsi que l’engagement de deux processus de négociations parallèles sur l’après 2012. La douzième CdP et seconde CdP/RdP devraient continuer les négociations amorcées à Montréal, sans toutefois mettre sur les rails de nouveaux groupes ou processus.

De plus, l’écho médiatique de cette rencontre devrait être beaucoup moindre que celle de Montréal, la première à avoir lieu en Amérique du Nord, dû à la nature des enjeux et au momentum important qui avait précédé la Conférence des Parties de 2005 (annonce du partenariat de l’Asie-Pacifique, entrée en vigueur du PK, rencontre du G8 sur les changements climatiques, ouragan Katrina…)


Les principaux enjeux à Nairobi

Les grands dossiers à l’ordre du jour sont la mise en place d’activités concrètes dans le cadre du programme quinquennal d’adaptation, l’amélioration du Mécanisme pour un développement propre (MDP), les émissions reliées au déboisement et les négociations sur les engagements après 2012.


Adaptation

Les Parties se pencheront sur le plan de travail quinquénal adopté à Buenos Aires en 2004, qui vise à faciliter l’ajustement des pays aux impacts néfastes des changements climatiques, et sur les trois fonds mis sur pieds à cet effet. Le plan de Buenos Aires a été progressivement étoffé depuis deux ans, et il est maintenant temps de le rendre opérationnel en précisant quelles mesures pratiques seront réalisées. Ce sujet est évidemment très important aux yeux des pays en développement, notamment les pays africains et insulaires, qui sont les plus vulnérables aux effets des changements climatiques. Outre leur nature, le financement des activités d’adaptation est aussi source de dissensions.


MDP

Un autre sujet qui tient à coeur aux pays en développement et aux pays en transition est celui du Mécanisme pour un développement propre. Ce mécanisme de flexibilité du PK est en fonction depuis 2001, mais plusieurs Parties dénoncent la concentration géographique des projets MDP dans quelques pays émergents : la Chine, l’Inde et le Brésil ont jusqu’à maintenant accueilli 69 % des projet, l’Afrique sub-saharienne 1,7 %. Plusieurs pays africains, notamment, réclament une distribution plus équitable des projets.

Le MDP se veut un outil qui s’appuie sur les forces du marché pour réduire les émissions à moindre coût tout en encourageant le développement durable et le transfert technologique. Les investisseurs qui participent au MDP vont naturellement avoir tendance à financer des projets qui sont réalisés dans des pays où les conditions institutionnelles, économiques et politiques sont plus favorables et où le potentiel de réduction est plus important. Il est difficile pour certains pays très pauvres de réduire leurs émissions pour la bonne raison qu’ils en produisent très peu…

Les progrès entamés à Montréal afin de faciliter les projets à petite échelle, notamment en diminuant les exigences administratives, devront notamment être approfondis afin de faciliter une meilleure intégration des pays les moins avancés dans le MDP. Parallèlement, la possibilité d’inclure les projets de capture et de stockage de CO2 dans le MDP sera examinée.


Déboisement

Les émissions reliées au déboisement seront aussi abordées, celles-ci n’étant pas comptabilisées dans la CCNUCC ni dans le PK. Une proposition de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, appuyée par le Costa Rica, vise à encourager les mesures de conservation forestière, entre autres en favorisant un accès au marché mondial du carbone. La coalition formée par les pays aux forêts tropicales, qui comprend actuellement 14 membres, propose des solutions volontaires et incitatives plutôt que coercitives. Nairobi sera l’occasion d’approfondir les enjeux scientifiques et méthodologiques touchant cette question.


Après 2012

Les discussions sur les engagements de réductions des émissions suite à la période d’engagements 2008-2012 du PK auront lieu dans trois principaux forums ; le groupe de travail sur les nouveaux engagements des Parties de l’Annexe I du PK (article 3.9), l’examen du PK (article 9) et le dialogue issu de la CCNUCC. Les deux premières voies de négociations sont ancrées dans des articles précis du protocole, ce qui leur donne un certain poids et un encadrement plus ferme. Le dialogue pour une action concertée à long terme dans le cadre de la CCNUCC a l’avantage d’inclure les pays non signataires du PK, surtout les États-Unis, mais la portée de cette initiative est clairement affaiblie par son objectif explicite de « ne pas ouvrir des négociations débouchant sur de nouveaux engagements ». Ce dialogue doit davantage être perçu comme une occasion pour les pays d’échanger de manière plus informelle et de partager leurs expériences plutôt qu’un cadre pour des négociations officielles.

Les difficultés qu’éprouvent actuellement les Parties au PK à réduire leurs émissions de GES ne faciliteront aucunement les négociations à propos de nouveaux engagements fermes pour l’après 2012. Puisque la Conférence de Nairobi ne marque pas la fin d’un échéancier ou le début d’une nouvelle étape, il est probable que cette rencontre et ses résultats se feront plus discrets, en attendant une Conférence future où la pression des échéanciers intégrés dans le PK obligeront les Parties à en arriver à des compromis.

> Pour en savoir plus
[Bulletin des négociations de la Terre]
[Guide du négociateur CdP 12 et CdP/RdP 2]


Donnés 2006 de la CCNUCC : émissions en hausse…encore

Entre 1990 et 2004, les émissions globales des pays industrialiés ont diminué de 3,3 % mais cette baisse était surtout attribuable à la chute de 36,8 % des émissions dans les pays d’Europe centrale et orientale en transition économique, reliée à l’effondrement de l’Union Soviétique. Les autres pays industrialisés, eux, ont plutôt augmenté leurs émissions de 11 %. Plus précisément, 22 pays de l’annexe I ont diminué leurs émissions – jusqu’à 60,4 % pour la Lithuanie – au cours de cette période et 19 les ont augmenté – jusqu’à 72,6 % pour la Turquie.

Selon M. Yvo de Boer, Secrétaire exécutif de la CCNUCC, « ce qui est préoccupant c’est que ces pays en transition économique, ont connu un accroissement de la production de GES de 4,1 % entre 2000 et 2004 ». De plus, le nombre de Parties au Protocole ayant connu une diminution de leurs émissions a grandement chuté depuis 2000. Entre 1990 et 2000 plus de 50 % des pays de l’Annexe I (23 sur 41) avaient diminué leurs émissions, contre 7 seulement entre 2000 et 2004.

M. Boer ajoute qu’« il en résulte que les pays industrialisés devront intensifier leurs efforts visant à mettre en ouvre de vigoureuses politiques de réduction des émissions de GES ». Un des secteurs les plus stratégiques où il semble difficile d’obtenir des résultats positifs demeure celui des transports : ses émissions de GES ont augmenté de 23,9 % entre 1990 et 2004.

Cependant, M. Boer estime qu’en dépit de la hausse des émissions dans certains pays au cours de la période 2000-2004, les Parties au Protocole de Kyoto devraient pouvoir respecter leurs engagements individuels si elles appliquent sans tarder les mesures nationales d’atténuation prévues et ont recours aux outils comme le Mécanisme pour un développement propre et le Mécanisme d’application conjointe.

Rappelons que le gouvernement canadien a explicitement refusé de faire appel à ces mécanismes, confirmant ainsi son non respect du Protocole de Kyoto.

> Pour en savoir plus
[communiqué]
[résumé du rapport]


Ottawa annonce un marché national du carbone

Le gouvernement fédéral ira finalement de l’avant avec la mise en place d’un marché national d’échange de crédits de GES, dont les détails devraient être annoncés au printemps prochain. Cette position a pris de court tous les observateurs, y compris certains ministres fédéraux, contribuant ainsi à une certaine confusion, avant que le premier ministre Harper ne confirme officiellement ce revirement.

Au début du mois d’octobre, devant le comité sur l’environnement du Parlement, la ministre de l’Environnement Rona Ambrose s’était effectivement exprimée contre la mise en place d’un tel marché par le gouvernement.

La forme précise que prendra ce marché du carbone n’est pas encore claire, ni à quel point il sera possible de le rendre compatible avec le système de l’Union européenne et le Chicago Climate Exchange (CCX), tel que le désire le gouvernement fédéral. Ces deux derniers sont difficilement conciliables puisque le premier s’appuie sur des crédits issus de réductions obligatoires et le second sur une participation volontaire. Mme Ambrose veut un système « flexible, robuste et vérifiable », qualificatifs qui ne correspondent pas au CCX.

Le système européen est beaucoup plus rigoureux, même s’il fait l’objet de certaines critiques, surtout en ce qui a trait aux plans d’allocation nationale trop généreux envers les entreprises devant réduire leurs émissions. Ottawa ferait bien de collaborer étroitement avec Bruxelles afin d’apprendre des erreurs de l’Union européenne…

Il n’est toutefois pas certain que le gouvernement fédéral pourra intégrer ces leçons avant le dévoilement du marché, dans seulement quelques mois. > Pour en savoir plus

> Pour en savoir plus
[article]