Volume 5 Numéro 7 - 1er juin 2006

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SOMMAIRE

Enjeux-ÉNERGIE
> Le Canada mise sur l’éthanol à base de maïs
> Le programme ÉnerGuide est mort, vive ÉnerGuide... mais au Québec seulement !
> L’Alberta prolonge ses subventions pour le gaz naturel jusqu’en 2009
> La pile à combustible hydrogène fait son entrée dans les aéroports canadiens
> Un immense projet éolien en mer dans le Golfe du Mexique
> World Trade Center : Un premier gratte-ciel signé LEED à Manhattan


Enjeux-CLIMAT
> Focus > Politique canadienne des changements climatiques : Condamnation sans appel des politiques volontaristes
> De moins Bonn nouvelles qu’à Montréal
> Québec devra faire cavalier seul dans le dossier Kyoto
> La Mise en œuvre conjointe menacée par le sous financement ?


NOUVELLE du Centre

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À PROPOS du bulletin

Le bulletin Enjeux-ÉNERGIE est publié par le Centre Hélios, une société indépendante de recherches et d'expertise-conseil en énergie.

Les travaux du Centre sont axés sur l'analyse et la conception de stratégies, de politiques, d'approches réglementaires et de mesures économiques favorisant le développement durable et équilibré du secteur énergétique.

Les clients du Centre incluent les gouvernements, les organismes d'intérêt public et les producteurs et distributeurs d'énergie, parmi d'autres. Le Centre Hélios est un organisme à statut charitable reconnu par Revenu Canada et Revenu Québec. Tout don versé au Centre est déductible pour fins d'impôts.

- Parution toutes les trois semaines -

Rédaction :
Alexis BEAUCHAMP, Sophie GEFFROY, Maxime RIVET et Philip RAPHALS

Production :
Sophie GEFFROY et Maxime RIVET


REMERCIEMENTS

Nous tenons à remercier les partenaires suivants pour leur appui à cette publication :


 


 

Carburants
Le Canada mise sur l’éthanol à base de maïs

Le gouvernement fédéral a annoncé un objectif de 5 % d’éthanol et de biocarburants dans l’essence qui sera vendue en 2010 au Canada, sans toutefois préciser quelles politiques et mesures concrètes permettront d’atteindre cette cible. C’est la ministre de l’Environnement, Rona Ambrose, qui a été désignée pour piloter les négociations avec les ministères des Ressources naturelles et de l’Agriculture, mais aussi avec leurs collègues provinciaux. Ces tractations devraient s’étendre jusqu’à l’automne prochain, moment où serait divulguée la nouvelle politique canadienne sur l’éthanol et les biocarburants.

Cette annonce, déjà évoquée lors de la campagne électorale par les Conservateurs, a cependant été vivement critiquée par les milieux écologistes, d’aucuns dénonçant ce qu’ils considèrent comme de la « poudre aux yeux ». Déjà assiégé par les critiques quant à sa position sur le protocole de Kyoto, le gouvernement Harper s’est vu reprocher d’utiliser cette nouvelle pour détourner l’attention du dossier Kyoto.

Jusqu’à récemment, l’éthanol à partir de maïs était considéré comme étant une solution pire que l’essence, certaines études affirmant que la culture et la transformation du maïs nécessitait plus de pétrole que l’essence économisée. Toutefois, un récent article dans la revue Nature conclut que, quoique sa production réduise de façon importante les quantités de pétrole utilisées, elle diminue de seulement 13 % les émissions de GES (EÉ vol. 5 no 3). L’étude, réalisée par des chercheurs de l’Université de Californie à Berkeley, démontre que seul l’éthanol cellulosique permet de réduire de manière significative les émissions de GES.

Malgré ces études, le gouvernement actuel mise sur une réduction de 40 % des émissions de GES, pour l’éthanol à base de maïs, selon Alex Manson, d’Environnement Canada. Les gains en matières d’émissions de GES sont donc non négligeables mais puisque la mesure ne vise le remplacement que de 5 % d’essence par de l’éthanol, elle doit s’inscrire dans une politique beaucoup plus large de réductions des GES.

Les gouvernements impliqués signalent toutefois qu’ils considèrent que les bénéfices de cette politique dépasseront le domaine de l’environnement. Ils permettraient entre autres aux milieux agricoles de profiter de revenus additionnels, d’améliorer la sécurité énergétique et d’encourager l’innovation.

C’est d’ailleurs à cette fin que l’entreprise Iogen, qui gère une installation prototype d’éthanol cellulosique (bioéthanol) à Ottawa, fait appel au gouvernement Harper. En effet, cette entreprise canadienne étudie actuellement les différents emplacements où elle pourrait établir la première usine commerciale d’éthanol fait à partir de cellulose. Or, le gouvernement américain a déjà clairement signifié son intérêt et soumis une offre « très attirante », selon le vice-président exécutif d’Iogen, Jeff Passmore. Alors que le président Bush a promis de rendre l’éthanol cellulosique compétitif d’ici 2012 lors de son plus récent discours sur l’état de l’Union, Ottawa continue de miser sur le maïs. Le Canada se doit donc de réagir rapidement pour bénéficier des avantages compétitifs bâtis par les entreprises canadiennes de bioéthanol.

> Pour en savoir plus
[Discours Rona Ambrose]
[article]

Efficacité énergétique
Le programme ÉnerGuide est mort, vive ÉnerGuide... mais au Québec seulement !

Onze jours après l’annonce du gouvernement fédéral qu’il annulera le programme Encouragement éconergétique ÉnerGuide pour les maisons, le gouvernement du Québec déclare qu’il reprend le flambeau. Du moins, en partie, et pour l’instant… jusqu’au 31 mars 2007.

Rappelons que le programme ÉnerGuide pour les maisons est une analyse énergétique professionnelle conçue selon les standards de l’Office de l’efficacité énergétique de Ressources Naturelles Canada. Suite à une première visite (appelée évaluation A dans le jargon du programme), un conseiller certifié prépare un rapport détaillé de la consommation d’énergie et des travaux à réaliser pour améliorer l’efficacité énergétique. Il remet une cote ÉnerGuide, indiquant la performance énergétique actuelle de la résidence par rapport à celle d’autres maisons semblables. Une fois les travaux réalisés, 18 mois maximum après la première visite, le conseiller effectue une deuxième évaluation (B) et attribue la nouvelle cote à la maison.

Ces deux visites, d’une valeur de 300 $ pour la première et 150 $ pour la deuxième pour une maison unifamiliale, ne coûtent au total que 150 $ plus taxes au propriétaire, le reste étant assumé, autrefois par le gouvernement du Canada et aujourd’hui par le gouvernement du Québec (notamment grâce à la contribution financière d’Hydro-Québec et du Fonds en efficacité énergétique).

De plus, lorsque le programme relevait de Ressources Naturelles Canada, le propriétaire d’une maison unifamiliale avait droit à une aide financière pour une partie des travaux, calculée selon l’évolution entre la cote obtenue avant et après ces derniers. Un projet pilote pour les multiplex avait débuté en janvier mais aucun budget n’avait été alloué pour verser la subvention pour les travaux effectués. Enfin, si la maison était entièrement ou partiellement chauffée à l’électricité, Hydro-Québec offrait le double de ce montant au propriétaire tandis que Gaz Métro et Gazifère offraient à leurs clients, dans le cadre du Fonds en efficacité énergétique, 1 $ par m3 de gaz naturel économisé.

Le gouvernement du Québec a décidé cependant de ne pas assumer la subvention après travaux qui était offerte aux propriétaires par le gouvernement fédéral. Par contre, Hydro-Québec, Gaz Métro et Gazifère maintiennent leur participation en se basant sur ce qu’ils estiment que le gouvernement du Canada aurait fourni. Ces subventions ne sont toutefois pas disponibles pour les multiplex. Pourtant les multiplex, tous types confondus, représentent 45 % du parc de logements au Québec (59 % à Montréal). Le nouveau programme n’aura donc que peu d’impact dans les régions urbaines du Québec. Malgré cela, Pierre Corbeil, ministre des Ressources naturelles et de la Faune du Québec, affirme qu’« ÉnerGuide s’inscrit dans la foulée des objectifs ambitieux que nous nous sommes fixés dans la nouvelle stratégie énergétique du Québec dévoilée le 4 mai dernier ».

Cela dit, les évaluations ÉnerGuide pour les maisons demeurent disponibles pour les multiplex de moins de cinq logements, à un coût un peu plus élevé. Les évaluations coûtent au propriétaire 200 $ pour un duplex et 250 $ pour un triplex, soit un rabais de 60 %, le reste étant assumé par l’Agence de l’efficacité énergétique et les distributeurs d’énergie. Les clients chauffés au gaz naturel pourraient être admissibles cependant à une remise de 50 $ par unité locative (jusqu’à trois maximum) chauffée au gaz, offerte par le Fonds en efficacité énergétique.

Même sans subvention pour les travaux, l’évaluation ÉnerGuide demeure une bonne opportunité pour les propriétaires de mieux connaître le rendement énergétique de leur maison. Julie Poulin, agente d’information pour le programme Énerguide chez Équiterre, souligne que cela leur donne une idée plus précise des rénovations à prioriser et leur fait souvent réaliser que des travaux, parfois mineurs, peuvent améliorer significativement l’efficacité énergétique du bâtiment. Par ailleurs, elle ajoute qu’une étude récemment effectuée par Ressources naturelles Canada indique que les clients de l’évaluation ÉnerGuide bénéficient en moyenne d’économies annuelles d’environ 28 % de leur facture d’énergie.

Si le faible coût de l’évaluation semble attrayant pour certains propriétaires, il n’en demeure pas moins que l’aspect réellement novateur de ce programme était la subvention des travaux basée sur l’amélioration, vérifiée, de l’enveloppe thermique des maisons.

Notons, en terminant, que le gouvernement du Canada assumera le suivi des dossiers dont la première visite a été effectuée avant le 13 mai 2006. Par contre, les travaux, la deuxième visite ainsi que la demande d’aide financière doivent être effectués avant le 31 mars 2007.Le Québec par contre, accepte tout dossier dont la première évaluation a été faite avant cette même date. Les travaux et la deuxième visite peuvent être effectués après cette date.

> Pour en savoir plus
[communiqué]
[information]
[article]

Politiques et plans
L’Alberta prolonge ses subventions pour le gaz naturel jusqu’en 2009

Le gouvernement de Ralph Klein a choisi de continuer le programme qui diminue de manière non négligeable la facture des 95 % d’Albertains qui chauffent leur maison au gaz naturel, dont le prix est en hausse importante depuis quelques années. Citoyens, commerces et plusieurs industries pourront donc profiter de subventions lorsque le prix du gaz auprès des consommateurs dépasse 5,50 $ le gigajoule (GJ), le gouvernement albertain ayant même établi un plafond de 8,75 $/GJ pour la plupart des consommateurs, les entreprises du secteur des énergies fossiles étant exclues de ce programme.

Selon le gouvernement albertain, ce programme a permis aux ménages d’économiser 170 $ en moyenne au mois de janvier seulement, le prix réglementé du GJ dépassant les 15 $, en raison des besoins particulièrement élevés en chauffage. Cette mesure s’applique d’octobre à mars, et le prix du gaz naturel a dépassé le seuil de 5,5 $/GJ chaque mois éligible depuis janvier 2004, le mois de janvier dernier étant de loin celui où le gaz était le plus dispendieux.

Questionné à propos de la possibilité que ce programme décourage la promotion de l’efficacité énergétique, Kevin Donnan, d’Alberta Energy, souligne que les remises diminuent progressivement à mesure que le prix du gaz naturel augmente, afin de garder un incitatif financier pour la conservation de l’énergie.

> Pour en savoir plus
[Site du gouvernement de l’Alberta sur la question]

Hydrogène
La pile à combustible hydrogène fait son entrée dans les aéroports canadiens

General Hydrogen Corporation bénéficiera d’une somme de 867 000 $ de l’Alliance canadienne sur les piles à combustible dans les transports (ACPCT), un programme de Ressources naturelles Canada, pour implanter des piles à combustible dans les véhicules de service à l’aéroport international de Vancouver.

Les moteurs des chariots tracteurs qui effectuent le transport des bagages entre l’aérogare et les avions seront dotés de piles fabriquées par l’entreprise Ballard Power Systems. Le projet pilote permettra en outre de réduire de manière importante les émissions polluantes associées à ces véhicules, dont les modèles actuels fonctionnent au diesel. Incorporée aux chariots électriques, la technologie de piles à combustible permettra d’améliorer l’efficacité et de tripler l’autonomie des chariots en réduisant le nombre de ravitaillements nécessaires.

Le projet permettra, jusqu’en avril 2008, de tester la technologie et d’en évaluer le potentiel commercial. Les nouveaux modèles de chariots qui seront en opération sous peu seront mis à l’épreuve avant de faire leur entrée dans les autres aéroports du Canada.

> Pour en savoir plus
[article]

Brève
Un immense projet éolien en mer dans le Golfe du Mexique

La mise en place du plus grand parc éolien en mer aux États-Unis a récemment été approuvée par l’État du Texas. Plus d’une centaine de turbines, totalisant une capacité de 500 MW, seront installées par Superior Renewable Energy dans le golfe du Mexique près de la côte de l’île de Padre et au sud de la Baie de Baffin, sur plus de 160 km2. La construction de ce projet ne devrait cependant pas débuter avant quatre ans.

Selon certaines estimations, le parc éolien permettra à lui seul d’éviter l’émissions d’environ 816 Kt de CO2, 1,8 Kt de NOx et 4,1 Kt de SO2 sur un horizon de 30 ans. Toutefois, plusieurs groupes environnementaux et associations touristiques se sont opposés au projet, le site se trouvant dans une voie migratoire empruntée par plusieurs espèces d’oiseaux au printemps et à l’automne.

Le Texas, qui cherche indéniablement à se positionner en tête de l’industrie de l’éolien aux États-Unis et dans le monde, tant en ce qui a trait à la fabrication des turbines éoliennes qu’à la production d’énergie éolienne, réaffirme ainsi son leadership dans ce domaine. Il possède déjà plus du quart de la capacité éolienne des États-Unis, soit environ 2000 MW (éoliens terrestres) des 9149 MW éoliens en production aux États-Unis.

L’industrie éolienne américaine vit actuellement une expansion sans précédent. La multiplication des projets éoliens a permis au pays d’augmenter sa capacité de production de 25 % l’an dernier seulement. Par ailleurs, les fabricants de turbines ne parviennent pas à répondre à la demande.

> Pour en savoir plus
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Brève
World Trade Center : Un premier gratte-ciel signé LEED à Manhattan

Le premier bâtiment du World Trade Center (WTC) reconstruit a ouvert ses portes la semaine dernière. Le 7 WTC est la première tour commerciale à recevoir la certification LEED (Leadership in Energy and Environmental Design) sur l’île de Manhattan. Seule norme américaine en matière de bâtiment vert, elle a été octroyé avec la mention « or » au 7 WTC par le U.S. Green Building Council pour les nombreuses innovations qu’il présente.

Le bâtiment de 52 étages, doté d’un système de chauffage et de climatisation à haut rendement énergétique, a été conçu pour réduire l’utilisation de l’eau, de l’électricité et autres ressources naturelles. L’eau de pluie sera notamment réutilisée pour arroser le parc adjacent et réduire l’utilisation d’électricité pour la climatisation. Un effort particulier a été fait pour utiliser des matériaux de construction recyclés et pour séparer les matières inutilisables des matériaux recyclables sur le chantier. Les fenêtres sont conçues selon une technologie de pointe permettant d’optimiser la conservation de l’énergie et l’apport en énergie solaire pour offrir plus de lumière naturelle aux occupants.

Daniel Tishman, directeur du projet et président de l’entreprise en charge de la reconstruction, souhaite que le 7 WTC serve d’exemple à Manhattan et ailleurs en matière de gratte-ciel « vert ». Lors de l’inauguration, M. Tishman a indiqué que la construction de la Freedom Tower, le bâtiment qui remplacera les Twin Towers, respectera des normes environnementales et de sécurité encore plus élevées que celles présentées par le 7 WTC.

> Pour en savoir plus
[article]
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Focus > Politique canadienne des changements climatiques : Condamnation sans appel des politiques volontaristes

L’Institut C.D. Howe affirme dans une étude récente que le Projet vert divulgué en avril 2005 par le gouvernement fédéral aurait était inefficace, principalement à cause du phénomène de resquillage* (« free ridership »). Plus fondamentalement cependant, ce document constate l’échec sans équivoque des politiques volontaristes en matière de changements climatiques, alors que tout indique que cette approche sera approfondie par les Conservateurs dans leur futur plan. Il faut plutôt instaurer des restrictions légales et/ou financières sur les émissions de GES, selon les auteurs.

Le titre de l’étude, Burning Our Money to Warm the Planet, met l’accent sur les faiblesses du plan libéral de Stéphane Dion, mais le texte va beaucoup plus loin en démontrant que l’approche volontariste est voué à l’échec. Cette approche joue effectivement un rôle important dans le Projet vert, mais elle est aussi au coeur même de la démarche des Conservateurs et de l’administration Bush. L’équipe de Mark Jaccard, auteur principal du document, dresse un sombre bilan des politiques canadiennes sur les changements climatiques qui se sont succédées depuis 1990, mais dont la teneur était toujours très similaire. Toutes ces politiques, y compris le Projet vert de 2005, misaient principalement sur des initiatives volontaires et la dissémination d’informations. Le résultat est connu : les émissions de GES ont augmenté de plus de 25 % depuis 1990.

Selon les auteurs, les programmes de sensibilisation comme le « Défi d’une tonne » n’offrent que peu de résultats, alors que l’efficacité des programmes de subventions est minée par le resquillage. Le Projet vert aurait tout au plus permis de réduire les émissions de 175 Mt par année à l’horizon de la première période d’engagements, plutôt que les 270 Mt nécessaires pour atteindre l’objectif de - 6 % sous 1990. Ainsi, il aurait réussi à seulement 65 % de ses résultats escomptés. Environ la moitié de ces réductions auraient découlé d’initiatives réalisées au Canada ; l’autre portion provenant surtout des projets canadiens exécutés dans les pays en développement, où les opportunités de réduction de GES offrent une meilleure rentabilité pour les fonds investis.

Mark Jaccard et son équipe font toutefois fausse route lorsqu’ils tentent d’extrapoler le Plan vert jusqu’en 2040. Ce plan, comme le ministre de l’Environnement de l’époque, Stéphane Dion, l’a souvent répété, était une première étape qui devait entamer des transformations dans l’économie canadienne. D’autres initiatives devaient toutefois suivre pour assurer des réductions plus profondes à l’horizon 2050, initiatives qui se seraient appuyées sur les résultats du Plan vert mais qui n’auraient pas nécessairement pris la même forme.

Différentes alternatives au volontariat

Si certains observateurs décèlent dans le constat de Mark Jaccard et son équipe une validation des coupures décrétées par le gouvernement Harper en matière de changements climatiques, il faut plutôt y voir un appel à des politiques plus ambitieuses et coercitives. Selon les auteurs, « les politiques qui semblent connaître le plus de succès sont celles qui restreignent légalement ou financièrement les émissions de GES. Une telle politique serait une taxation sur les émissions de GES qui augmenteraient progressivement ».

Les alternatives au volontariat sont nombreuses et varient selon les secteurs visés. Les auteurs évoquent notamment une taxe carbone, qui serait combinée avec une diminution correspondante d’autres taxes et impôts afin de ne pas augmenter le niveau total d’imposition. Une autre solution serait d’importer les réglementations californiennes dans le secteur de l’automobile, où les constructeurs doivent collectivement respecter des normes mais peuvent échanger des crédits entre eux afin de les atteindre. L’horizon à long terme de ces mesures encourage également le développement et la mise en marché de nouvelles technologies, incitatif renforcé par des pénalités financières en cas de non respect. Enfin, en ce qui concerne le secteur énergétique, le gouvernement fédéral pourrait instaurer un système fixant un plafond aux émissions et permettant aux entreprises d’échanger des crédits d’émissions, comme le système de l’Union européenne. L’étude précise toutefois que ce mécanisme serait encore plus efficace si le plafond diminuait progressivement et si des cibles étaient imposées pour chaque secteur industriel.

Une autre option, plus novatrice, transférerait la responsabilité de gestion des émissions de GES à l’industrie des énergies fossiles, qui devrait gérer le carbone comme le font d’autres industries avec des substances toxiques. Ce concept est mieux développé dans le livre de Mark Jaccard, Sustainable Fossil Fuels : The Unusual Suspect in the Quest for Clean and Enduring Energy (Cambridge University Press, 2005), où l’auteur précise que le secteur des énergies fossiles serait contraint de séquestrer un pourcentage du carbone qu’il extrait de la terre chaque année. Afin d’augmenter la flexibilité, ce mandat de séquestration s’appliquerait aux industries du charbon, du pétrole et du gaz naturel dont les émissions seraient regroupées. La séquestration des émissions pourrait donc être réalisée dans un seul secteur si cela présente l’option la plus rentable, les autres producteurs devant acheter des crédits auprès de cet opérateur pour rencontrer leurs responsabilités.

* Le resquillage se produit lorsque des politiques financent des mesures qui auraient été instaurées, par des individus ou les entreprises, même sans subventions gouvernementales.

> Pour en savoir plus
[étude du C.D. Howe]
[Sustainable Fossil Fuels]

De moins Bonn nouvelles qu’à Montréal

Alors que la Conférence de Montréal avait été couronnée de succès, la réunion des organes subsidiaires de la CCNUCC, du 15 au 26 mai à Bonn, a vu le momentum des négociations retomber à plat. Plusieurs facteurs ont contribué à ce résultat, dont l’ampleur plus réduite des enjeux, l’absence de date butoir imminente et l’aspect beaucoup plus technique des négociations, alors qu’elles revêtaient clairement une perspective politique à Montréal. Toutefois, il est clair que le leadership canadien, acclamé à Montréal, est dorénavant chose du passé, même si le Canada assure la présidence de la Conférence des Parties jusqu’en novembre, au Kenya.

Peu de progrès peuvent donc être soulignés après deux semaines de pourparlers, même par les initiés. Comme l’indique toutefois le Bulletin des négociations de la terre (BNT), publié par l’Institut international de développement durable, les négociations internationales sur les changements climatiques connaissent des cycles, où alternent des périodes d’avancées importantes (Berlin, Kyoto, Marrakech, Montréal) et des moments plus sombres, (La Haye et les COP entre Marrakech et Montréal), où les développements sont rares ou négatifs. Le dialogue entre actuellement dans une nouvelle phase, les véritables progrès n’étant pas espérés avant deux ans dans le cas de nouveaux engagements pour les Parties à l’Annexe I.

Deux tendances ressortent toutefois du compte-rendu du BNT : l’appropriation progressive du dossier des changements climatiques par le secteur privé, plus impliqué que jamais, et l’intégration de la question climatique dans les différentes sphères des organisations internationales. Les deux phénomènes ne sont pas nouveaux, mais Bonn est la première rencontre avec un nombre plus important d’organisations du milieu des affaires que de groupes écologistes. Parallèlement, un nombre croissant de forums internationaux et régionaux, ainsi que des organisations internationales, se préoccupent explicitement des changements climatiques, alors qu’il y a quelques années les négociations et initiatives étaient (presque) exclusivement chapeautées par la CCNUCC. Ce foisonnement de tribunes suscite parfois des critiques, notamment en ce qui concerne le Partenariat de l’Asie-Pacifique, mais plusieurs voient d’un bon oeil cette multiplication des canaux par lesquels les développements ont lieu.

L’antagonisme explicite entre le gouvernement canadien et le protocole a certes fait sourciller plusieurs délégations européennes. L’ambiguïté s’est amplifiée lorsque les médias canadiens ont fait état d’un document du gouvernement Harper qui demandait à la délégation canadienne de s’opposer à de nouvelles limites contraignantes pour la seconde période d’engagements, après 2012. La ministre de l’Environnement a ensuite précisé que son gouvernement était prêt à considérer de nouveaux engagements « si un consensus international émerge ». Autrement dit, le Canada sera prêt à accepter de nouvelles cibles lorsque les grands émergents feront de même, cette question représentant le noeud même du problème. Il demeure néanmoins que le Canada préside la Conférence des Parties d’un protocole qu’il n’entend pas respecter et de négociations sur les engagements des Parties de l’Annexe I pour l’après 2012, alors qu’Ottawa ne croit pas à ce type de contraintes.

> Pour en savoir plus
[Bulletin des Négociations de la Terre]
[article]

Québec devra faire cavalier seul dans le dossier Kyoto

Le gouvernement Charest doit mettre une croix sur le transfert de 328 M$ négocié avec le gouvernement libéral de Paul Martin dans le cadre du Fonds du partenariat, a laissé entendre le premier ministre Stephen Harper. Si Québec promet de ne pas baisser les bras afin d’obtenir les fonds fédéraux proportionnels à ceux compris dans l’entente signée entre le gouvernement fédéral et l’Ontario pour financer ses programmes sur les changements climatiques, il demeure que Québec ne peut s’appuyer que sur des promesses du gouvernement précédent puisqu’aucune entente n’a été officiellement paraphée.

Le gouvernement québécois surveillera donc de près les négociations qui ont actuellement lieu entre l’Ontario et Ottawa à propos des 538 M$ prévus dans l’entente bilatérale signée par Dalton McGuinty et Paul Martin en mai 2005. Si les ministres des Finances de l’Ontario et du Canada ont promis de respecter l’entente ontarienne, aucun fonds n’a été débloqué à cet effet dans le plus récent budget fédéral, mais le gouvernement de Stephen Harper tente de « réallouer » une partie de ces 538 M$ afin de financer le transport en commun. Les deux provinces pourraient donc devoir attendre le dévoilement du plan canadien de Rona Ambrose avant de savoir si elles pourront profiter d’une aide financière d’Ottawa.

Le premier ministre Stephen Harper a soulevé l’ire de l’opposition en affirmant devant la Chambre des communes que « si un gouvernement provincial veut prendre certaines décisions, ses propres décisions, dans ses propres champs de compétence, il peut aussi utiliser son propre argent ». Alors que Québec insiste depuis l’élection du gouvernement Harper qu’il pourra compter sur un financement d’Ottawa, le porte-parole de la ministre Ambrose, Ryan Sparrow, affirmait au Devoir que la ministre a déjà dit au Québec il y a quelques mois qu’il n’aurait pas l’argent promis par les Libéraux.

> Pour en savoir plus
[article]]
[article]

La Mise en œuvre conjointe menacée par le sous financement

Le mécanisme de flexibilité du protocole de Kyoto qui permet aux pays industrialisés d’investir dans d’autres pays développés, y compris ceux de l’ex-Union soviétique, tarde à se mettre en marche à cause d’un financement déficient. Janos Pasztor, du Secrétariat de la CCNUCC, a profité de la tribune offerte par la récente rencontre des organes subsidiaires à Bonn pour souligner que les promesses de fonds pour la Mise en œuvre conjointe (MOC) ne se sont pour la plupart pas réalisées.

Le déficit actuel de 2 M$ pourrait retarder de manière significative les démarches déjà entamées pour les projets MOC, dont la valeur s’élèverait à environ 500 M$ US selon l’agence de presse Reuters.

En entrevue avec Enjeux-ÉNERGIE, Carrie Assheuer, du Secrétariat, affirme que les prochaines rencontres du comité de surveillance de la MOC ne sont pas assurées tant que des fonds additionnels n’auront pas été alloués par les Parties au protocole. Elle se dit toutefois confiante que la situation n’ira pas jusqu’à l’arrêt des opérations du comité, précisant que le Secrétariat est très activement engagé pour trouver les fonds.

> Pour en savoir plus
[article]